Cette nature morte est de Victoria DUBOURG. C’est un genre qui va devenir important au XIXe siècle.
Né à Paris en 1840, Victoria DUBOURG passa
une partie de son enfance à Francfort, en Allemagne. Elle rencontra Manet en
1860 avec lequel elle se lia d’amitié, ce qui inspira son premier tableau.
Alors qu’elle copiait les chefs d’œuvre du Musée du Louvre, elle fit la
connaissance de Henri Fantin-Latour, qu’elle épousa le 15 novembre 1876. Elle
exposa au Salon des artistes français de 1869 à 1902. Elle fut également membre
de la Royal Academy de 1882 à 1896. Elle fut nommée chevalier de la Légion
d’honneur en 1920.
Jacques-Emile Blanche, critique d’art du
XIXème siècle, a affirmé : « C’est une femme supérieure et peintre de mérite ».
Victoria DUBOURG évoluait auprès de personnes de talents et fréquentait de
nombreux artistes et écrivains. Toute sa vie, elle préféra garder ses distances
avec les Impressionnistes. Elle décède en 1926.
Tout au long du XIXème siècle, trois
gouvernements se succèdent : la monarchie constitutionnelle (Louis XVIII,
Charles X et Louis-Philippe), la deuxième République et le second Empire de
Napoléon III. Après la chute de celui-ci en 1870, et après une guerre difficile
contre les prussiens, la France est gouvernée par la 3ème République.
La question du statut des femmes est soulevée
par la révolution française, mais au XIXème siècle les hommes dominent encore
les femmes. Chez les bourgeois, la femme s’occupe essentiellement de gérer le
travail des domestiques, le travail des enfants et leur éducation religieuse.
Chez les plus pauvres, les femmes sont demandées pour le travail en usine et
dans les champs et accomplissent des travaux épuisants.
Deux catégories sociales s’affrontent alors :
les riches bourgeois, propriétaires d’usine et de terres, et le prolétariat. En
devenant l’une des rares femmes peintres de son temps comme Berthe Morisot ou
Rosa Bonheur, Victoria DUBOURG ne se conforme pas aux us et coutumes de son
époque.
Le principal mouvement pictural du XIXe siècle est l’Impressionnisme. Il représente souvent des scènes du quotidien, le
mouvement, la lumière. Les peintres travaillent souvent en plein air. Paul Cézanne
disait : « Peindre d’après nature, ce n’est pas copier l’objectif, c’est
réaliser ses sensations… » ou encore « L’artiste ne perçoit pas directement
tous les rapports ; il les sent… » ; « Il faut représenter les choses telles
qu’on les voit en première impression… ». Sur ses toiles, l’artiste n’étale pas
sa peinture, ce qui donne un effet dynamique à son œuvre. De plus, ce courant
touche aussi la littérature et la musique. En peinture, nous pouvons citer :
Monet, Manet, Cézanne et Renoir. En musique, il y avait Debussy, Ravel. Dans le
tableau de DUBOURG, nous sommes face à une nature morte de style classique en
opposition avec l’Impressionnisme. La peinture classique tend vers un idéal de
perfection et de beauté à travers des sujets nobles. Les peintres cherchent à
symboliser le triomphe de la raison sur le désordre des passions. La peinture classique
porte à la méditation.
La nature morte est le genre préféré de Victoria DUBOURG. Située au bas de la hiérarchie des genres du XVIIe siècle (organisation
d’un groupe de choses où chaque élément se trouve subordonné à celui qui suit), citée ci-après, elle a été décrétée par l’Académie
de peinture en 1667 :
- Peinture d'histoire
- Portrait
- Peinture animalière
- Paysage, dans lequel les marines méritent une place à part en raison des connaissances techniques qu'elles exigent.
- Nature morte de gibiers, poissons et autres animaux
- Nature morte de fruits, de fleurs ou de coquillages
La nature morte ne représente pas l’Homme et
ne représente presque jamais de choses vivantes. C’est un genre qui montre la
Vie et la Mort. La nature morte hésite à être un exercice de style ou une leçon
philosophique. Elle s’accroche à une justification religieuse ou morale. C’est
une aide à la contemplation. Au XIXe siècle, cette hiérarchie disparaît suite
à l’abolition du système académique. A travers ces différentes natures mortes,
l’artiste veut montrer la trop courte durée de la vie. Etant donné que ces œuvres
étaient essentiellement exposées chez des bourgeois, l’artiste veut leur
rappeler qu’ils peuvent savourer les plaisirs de la vie avec facilité
contrairement à la majorité de la population de l’époque qui était plus
modeste.
« Fleurs et fruits » est une huile sur toile
(60 x 50 cm). Le tableau fut donné par l’Etat au Musée Mandet en 1874. En bas à
droite, nous pouvons voir trois pommes dans une coupelle blanche avec, derrière
cet objet, un verre de vin rouge. Les pommes symbolisent la pomme d’Adam qui pourrait
représenter l’origine de l’Homme. Le vin rouge a sans doute une signification
religieuse : le sang du Christ, qui est là pour le salut des hommes. Les pommes
et ce vin nous invitent à un rite Catholique essentiel : l’Eucharistie. Au
centre du tableau, il y a un bouquet de fleurs composé de deux plantes
différentes : les pensées en bas et les chrysanthèmes en haut. Les pensées
représentent peut-être la vie terrestre, simple, éphémère. En haut,
les chrysanthèmes (à l'époque, fleur associée à la gaieté) ne symboliseraient-elle pas la montée au Ciel, un accès au
Paradis ? Les éléments du tableau forment un triangle qui symboliserai une ascension vers le
Paradis. Le fond noir fait ressortir la luminosité des fleurs. La lumière éclaire surtout les chrysanthèmes. Le tableau est en fait très
ordonné. On ne voit pas le support de tous ces objets; ils "flottent", ce qui ajoute à l'impression de fragilité.
Ce tableau est décoratif mais peut être compris comme un memento mori, un rappel que notre vie est courte. C'et aussi une oeuvre religieuse qui invite à la contemplation... Charles Sterling, spécialiste de la nature
morte, explique : « Une authentique nature morte naît le jour où un peintre
prend la décision fondamentale de choisir comme sujet et d'organiser en une
entité plastique un groupe d'objets. Qu'en fonction du temps et du milieu où il
travaille, il les charge de toutes sortes d'allusions spirituelles, ne change
rien à son profond dessein d'artiste : celui de nous imposer son émotion
poétique devant la beauté qu'il a entrevue dans ces objets et leur assemblage.
» Ici, Sterling permet de nous laisser étudier ce tableau en montrant que
toutes ces choses ne sont pas que de simples objets ; ils ont une signification
spirituelle.
Sources :
Laveyrie-Dagen : Lois sur la peinture, Tome 1
Marie Josée Linou : À Table ! Les arts de la table dans les Collections du Musée Mandet de Riom, XVIIe-XIXe Siècles
Wikipédia : « Victoria DUBOURG » ;
« Hiérarchie des genres » ; « Nature morte »
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