Alphonse Cornet, autoportrait
Alphonse CORNET est né à Riom en 1839. C’est le fils d’un artisan riomois. Il commence à travailler à Paris en tant que peintre décorateur. Il suit une formation de dessinateur aux écoles de la Ville de Paris ainsi qu’à l’académie suisse. Suite à la collaboration avec deux célèbres peintres, Denuelle et Lameire, il se lance dans la peinture murale qui restera la part essentielle de son travail. Il aborde plusieurs thèmes tels que la nature morte, le portrait, l’histoire ou l’allégorie. Bien que dans la plupart de ses œuvres, son style ne soit pas très original, il se distingue de la plupart de ses contemporains avec certaines œuvres telles que La prise de Delphes ou Le défilé des gueux qui ont un style bien à part. En revanche, toutes ses œuvres sont imprégnées de l'environnement social et culturel de son époque. On peut donc retrouver toute la violence de cette époque dans des œuvres comme Le défilé des gueux. Il peint aussi des scènes mythologiques mettant en scène les dieux romains (cf. La prise de Delphes). Il meurt à Paris en 1898.
Le défilé des gueux
est une huile sur toile datant de 1886 (une huile sur toile est
le fait de peindre avec de la peinture à base d’huile, ensuite,
cette peinture est appliquée sur un support fait en fil de lin
appelé toile). C’est une œuvre de grande taille. En effet elle
mesure 1m37 de hauteur et 5m90 de large. Elle fut exposée au Salon
dès sa conception en 1886. Elle s’inscrit parfaitement dans la
vague misérabiliste de la fin du 19ème siècle. A cette époque,
l’Europe est alors en pleine croissance démographique et la France
vient de connaître une défaite sans précédent face à la Prusse
(aujourd’hui Allemagne) et tente de se relever. Il est important de
préciser qu’Alphonse Cornet a peint cette œuvre en s’inspirant
d’un poème de Pierre Giat, inscrit sur le cadre du tableau.
Le tableau, pour produire
plus d’effets et pour être mieux compris, doit se lire de droite à
gauche, dans le même sens que le défilé. Dans ce tableau on ne
compte pas moins de 33 personnages. Le fait que cette toile ne fasse
que 1m37 de hauteur n’a pas permis à Alphonse Cornet de
représenter les personnages en taille réelle. Ces personnages
défilent dans une rue dépouillée. Toutes les têtes des
personnages sont à la même hauteur ce qui montre la simplicité de
cette œuvre. La lumière de ce tableau provient du soleil qui se
trouve derrière le défilé. Le fait que le défilé avance dans la
direction opposée à celle du soleil, donc vers l’obscurité, est
un symbole très fort. En effet, l’obscurité symbolise la mort,
tous ces personnages se dirigent donc lentement vers la mort.
L’artiste a joué sur la lumière et les contrastes d’ombre et
les couleurs vives de certains vêtements rompent avec la tonalité
sombre et dominante du tableau. La vierge ainsi que les deux
personnages à sa base forment clairement une structure pyramidale.
Outre cette structure pyramidale les personnages se suivent dans une
sorte de frise. On retrouve dans les personnages de nombreux pauvres
venant de plusieurs univers différents. Pour faire simple, on
retrouve de droite à gauche : deux hommes sandwichs, une
marchande de limonade, un homme qui tient des chiens sur ses genoux,
un artiste peintre, un vendeur puis un groupe d’artistes.
Puis le
défilé s’interrompt et l’on peut voir au centre de l’œuvre
une femme qui évoque une Vierge, mais celle-ci n'a plus assez de lait pour faire téter son fils. Il y a aussi
une femme pleurant sur le corps de son enfant mort,
probablement de faim et de froid. Le défilé reprend ensuite avec un
homme qui tourne le dos au spectateur et regarde la Vierge. Cet homme
est assis sur une sorte de planche à roulettes car il n’a plus de
jambes, c’est un cul-de-jatte. Après lui suit toute une famille.
Ils ont tous le dos courbé, même les plus jeunes, comme s’ils
portaient le poids de tous les malheurs du monde sur leurs dos. Après
la famille, il y a un homme, jouant un instrument de musique,
probablement une guitare, qui nous fait face. Il regarde le défilé
comme si ce dernier était une source d’inspiration et semble
encourager la progression du défilé. Il apporte un peu de gaieté à
ce tableau très sombre et triste. En tête du défilé, on retrouve
une petite fille qui vend des fleurs. C'est probablement une
marchande de fleurs qui se retourne, comme pour s’assurer qu’elle
est bien suivie. Tout à droite du tableau, donc au début du défilé,
un enfant tient ses mains en cornet pour inciter, semble-t-il
d’autres personnes à se joindre au défilé. Ces trois personnages
sont à part car ils sont sans aucun doute les plus importants de ce
tableau avec la Vierge. A l’arrière plan, sur le mur, il y a de
nombreuses affiches dont les slogans sont : « La vie joyeuse »,
« Bal Bullier » ou bien « S.D. » pour
« Soirée Dansante ».
Alphonse Cornet a cherché
à développer un monde très noir et ce tableau reflète avec son
propre sentiment et sa propre perception toute la cruauté de son
monde. Beaucoup de détails de cette œuvre sont très importants.
Par exemple la vierge représentée au centre du tableau est censée
protéger la population et c’est pourquoi on peut ressentir une
certaine contradiction car les personnes représentées ici sont dans
la misère. La vierge est ici une allégorie de la misère. Les
affiches en arrière plan sont aussi des détails importants de cette
œuvre. On y retrouve par exemple l’intitulé « La vie
joyeuse» en total opposition avec ce défilé de gueux. Beaucoup
d’autres détails se cachent ainsi dans le tableau et offrent de
nombreuses significations diverses. Pour conclure, même si la
composition de l’œuvre parait simple le sens, lui, est très fort
et c’est pourquoi cette peinture peut avoir un fort effet
émotionnel sur les observateurs de l’œuvre. Notons aussi que nous
pourrions réaliser ce tableau à notre époque, en changeant quelque
peu les costumes…
Dès que nous avons vu ce
tableau, nous avions tous les deux ressentis une sorte de tristesse
mêlée à de l’admiration. Deux scènes nous ont marqués
particulièrement : celle avec l’enfant mort, qui représente pour
nous le point culminant de l’aspect tragique de cette œuvre. Et
celle représentant les artistes et peintres dans la misère. Ce qui
nous a frappé, c’est que cette peinture est le reflet de notre
société actuelle, et non pas simplement une œuvre du passé. Nous avons été impressionnés aussi par les
grandes dimensions de l’œuvre.
Photos P Mathiaux with kind permission Musée Mandet (click on the picture to enlarge)
Alphonse Cornet was born
in Riom in 1839. He was the son of a tradesman. He began work in
Paris as a painter and decorator. He did his training at the Arts
schools of Paris and at a Swiss academy. After a collaboration with
the famous painters Denuelle and Lameire, he started wall painting
which was to become the essential part of his work. His paintings are
in various genres: still lives, portraits, historical and
allegorical. Although most of his work is not in an original style,
works like “The Parade of the Beggars” or “The
Plunder of Delphi” do have a style apart. All his work is
heavily influenced by the socio-cultural environment of his time,
including the violence and poverty, which “The Parade of the
Beggars” illustrates well.
He also painted mythological scenes picturing the Roman Gods. He died
in Paris in 1898.
“The
Parade of the Beggars” is an oil
painting on canvas dated 1886. The oil-based paint is applied on a
canvas made of flax. This painting is very big: 1,37m high and 5,90m
long. It was exposed at the Salon in 1886. It is in the
“Miserabilisme” style typical of the end of the 19th century. At
this period, Europe's population was rising sharply and France had
just been defeated by Prussia (today Germany) from which it was
attempting to recover. It is also important to mention that Alphonse
Cornet was inspired by a poem by Pierre Giat (it is transcribed on
the picture frame).
To be
understood properly, the painting must be read from right to left, in
the same direction as the parade is going. In this painting, there
are 35 characters and various animals. The fact that this canvas is
1,37m tall did not allow Cornet to represent the true height of the
characters.
These
characters are marching in a denuded street. Most of the characters’
heads are at the same height which shows the simplicity of this work.
The light of this painting comes from the sun that is situated
directly above the parade. The beggars are walking away from the sun,
hence towards the darkness, which symbolizes death... The bright
colours of some of the clothes are in total opposition with the
dominant dark tonality of this painting.
The
Blessed Virgin (“Hail the Queen, the
poor salute you” is written above
her) and the three characters underneath her form a central pyramid.
The characters follow each other in a kind of frieze. One can observe
among the characters many poor people of various origins, including,
from right to left: a child inciting people
(ourselves?) to join the parade, then two
sandwich-men, a lemonade merchant, a man holding dogs on his knees, a
painter, a tradesman and then a group of artists, then the harrowing
central scene with the Virgin who doesn’t have enough milk to feed
her son, a woman crying over her son's dead emaciated body.
The
parade starts again with the legless man who turns his back to the
spectator and who is looking at the Queen of Heaven. Then there is a
family, their backs bent, even the youngest, as if they were carrying
the weight of the world on their shoulders. After the family, there
is a guitarist, his body towards us. He looks at the people following
him and seems to be trying to encourage them. He brings a little
cheerfulness to this very sad display. At the head of the parade,
there is a tiny flower girl. She is looking behind her, as if to make
sure that she is being followed. In the background, on the wall,
there are numerous posters (“Joyful life”, “Bullier Ball”).
Alphonse
Cornet depicts a very sad scene. His painting reflects his feelings
and his perception of the cruelty of his world. It also condemns the
poverty of his era and aims to raise public opinion about social
misery. Many details of this work are very important. For example,
the Virgin is supposed to protect the population, give it hope, but
she is in as sorry a state as the poor in the procession. She is here
more of an allegorical figure of poverty. The background posters are
also important details of this work; they are an ironic comment on
what is happening; there is apparently nothing “joyful" in the
lives of these beggars...
The
composition of the work is simple and the meaning is very clear.
Could we not place this picture in our own time by just changing the
clothes of the characters? The emotional impact would probably be the
same.
When
we first saw this picture, we felt great sadness mixed with
admiration for the artistic quality of the work. We were also
impressed by its dimensions. Two scenes marked us particularly: the
dead child, and the poor artists and painters. This painting might be
19th
century, but its message is, unfortunately, still relevant today...
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